• Holocauste Colonial Oublié : 29 Millions de morts en Inde et au Kenya

    Le "bon temps des colonies" n'est "bon" que si on n'y regarde pas de trop près et qu'on pratique la mémoire sélective et le négationisme...

    [George Monbiot - The Guardian - 08/01/2008 - Trad. Grégoire Seither]

    Quand l'empire britannique organisait la famine et interdisait l'aide aux victimes

    Dans son livre, "Late Victorian Holocausts", publié en 2001, Mike Davis raconte les famines des années 1870 qui ont tué entre 12 et 29 millions de personnes en Inde. L'originalité de l'étude de Davis est de démontrer que, loin d'être une fatalité, ces millions de morts sont la cause directe d'une politique de la couronne britannique.

    En effet, quand, en 1876, le courant marin El Niño a provoqué une sécheresse suivie d'une famine dans la province de Decca, les réserves de riz et de blé en Inde étaient au plus haut. Mais le Vice-Roi des Indes, Lord Lytton, plutôt que d'utiliser ses réserves pour venir en aide aux populations frappées par la famine, décida, contre l'avis de ses conseillers, d'exporter le blé et le riz vers l'Angleterre. Entre 1877 et 1878, au sommet de la famine, l'Inde a exporté une quantité record de 6,4 millions de bushels de blé.

    Quand les organisations caritatives anglaises proposèrent d'envoyer du blé et du riz en aide d'alimentaire d'urgence, les marchands de blé, inquiets que cela pourrait provoquer une baisse du prix du blé et donc réduire leurs bénéfices, obtinrent de la part de l'administration des mesures douanières en vue de "décourager autant que possible l'aide d'urgence aux populations affectées".

    Le parlement britannique fit voter la loi "Anti-contributions charitables" (Anti-Charitable Contributions Act) en 1877 qui interdisait "sous peine de prison, les donations charitables provenant de fondations privées et qui pourraient interférer avec la fixation par le marché des prix céréaliers". L'unique aide charitable autorisée était le regroupement des populations affamées dans des camps de travail - mais on y refusait l'accès à toute personne trop malnutrie pour avoir la force de travailler.

    Ceux qu'on admettait dans les camps devaient réaliser des durs travaux de terrassement et d'assèchement, tout en recevant une ration alimentaire plus faible que celle octroyée par les nazis aux prisonniers du camp de Buchenwald. En 1877, la mortalité dans les camps de travail était de 94%.

    Alors que des millions mourraient dans les campagnes, le gouvernement impérial - qui avait besoin d'argent pour financer la guerre en Afghanistan - lança une campagne militaire "dans le but de recouvrir les arriérés d'impôts accumulés par les paysans lors de la sécheresse". Le zèle impitoyable des collecteurs d'impôts, soutenus par la brutalité de l'armée britannique et des ses auxiliaires, acheva de ruiner ceux qui avaient survécu à la famine.

    Même dans les régions traditionnellement exportatrices de céréales, les politiques gouvernementales - exactement comme celles de Staline en Ukraine - causèrent la famine et tuèrent des millions de personnnes. Ainsi dans les provinces du Nord-Ouest, l'Oud et le Pendjab, qui avaient connues des récoltes record dans les trois années précédentes, au moins 1,25 millions de personnes moururent de faim - tandis que des convois militaires protégeaient les charrois de blé et de riz transportés vers les ports, pour être exportés. (...)

    La sale guerre oubliée contre les Mau Mau en 1950

    Trois livres récents - "Britain's Gulag" par Caroline Elkins, "Histories of the Hanged" par David Anderson, et "Web of Deceit" par Mark Curtis - racontent comment, dans les années 1950, les colons blancs et les troupes britanniques écrasèrent la révolte des Mau Mau au Kenya.

    Chassés des meilleures terres agricoles et privés de droits politiques, les membres de l'ethnie Kikuyu tentèrent d'organiser la résistance contre l'arbitraire colonial. Quand des milices armées Kikuyu attaquèrent des fermes de colons blancs, la couronne britannique réagit en déportant près de 400 000 personnes dans des camps de concentration. Dans ces camps, tortures et exécutions étaient quotidiennes.

    Afin de "priver les rebelles du soutien de la population", le reste de la population Kikuyu (soit près d'un million de personnes) fut regroupé de force dans des "villages fortifiés" où les conditions sanitaires étaient déplorables. L'ethnie Kikuyu perdit la plus grande partie de ses terres dans l'opération - au profit des propriétés des colons ou d'autres groupes ethniques plus dociles vis à vis de l'administration coloniale.

    Dans les camps de concentration, l'armée donna la pleine mesure de la "guerre anti-terroriste", s'inspirant des méthodes de l'armée française en Indochine. Les prisonniers étaient systématiquement torturés afin qu'ils dénoncent les chefs du mouvement.

    Les méthodes d'interrogatoire courantes étaient - selon de très nombreux rapports officiels - de "couper les oreilles au rasoir, transpercer les tympans, brûler les yeux avec le bout d'une cigarette allumée, fouetter ou bastonner jusqu'à la mort, verser de la paraffine sur un membre d'un groupe de suspects et le bruler vif afin de faire parler les autres".

    Les soldats britanniques s'équipaient de sécateurs afin de couper les testicules ou les doigts des suspects interrogés. On retrouvera ces méthodes dans les années 1970, en Irlande du Nord ainsi que - plus récemment - en Irak.

    Très souvent les interrogatoires étaient confiés à des auxiliaires de l'armée, recrutés parmi les colons locaux. Dans un témoignage de l'époque, l'un de ces colons raconte avec enthousiasme comment il a "travaillé un rebelle" : "Quand j'en ai eu fini avec lui, non seulement je lui avais coupé les couilles, mais en plus il n'avait plus d'oreilles et son oeil droit pendait hors de l'orbite".

    Le célèbre photographe de guerre Don McCullin, qui participa à la campagne anti-Mau Mau lors de son service militaire, raconte que, lors des patrouilles, les soldats avaient reçu la consigne qu'ils pouvaient librement ouvrir le feu sur n'importe qui, sans sommation, "à condition que la personne en question soit noire" (. . .)

    [Dans les mémoires de la mission africaine (Letters from the African Mission - 1930-1960 - SVD), un missionnaire raconte comment les écoliers noirs se rendant à l'école à cette époque étaient pris pour cible par les soldats. "Ils s'amusaient à faire courir les enfants dans les champs et leurs tiraient dessus comme s'ils étaient des perdrix. Une jeune fille a été grièvement blessée et abandonnée sur la route par les soldats. Quand nous nous sommes plaints à l'armée, le commandant nous a répondu qu'il était dans l'incapacité d'identifier les 'mauvais éléments' qui se livraient à ce genre d'actions et nous a recommandé de ne plus laisser sortir les enfants sans une escorte blanche. Or ce n'est pas des actions de mauvais éléments, mais bien un comportement général de notre armée.

    Quand aux jeunes filles dans les villages ou dans les champs, elles risquaient à tout moment d'être violentées par les soldats, qui faisaient de véritables razzias nocturnes pour se procurer 'de la chair fraiche'. Un de nos chapelains a essayé de sermonner ces jeunes hommes qui, en Angleterre, n'oseraient pas se comporter ainsi vis à vis de civils innocents. Ils lui ont répondu qu'on n'était pas en Angleterre et qu'il ne s'agissait de que de nègres sauvages qui ne connaissaient pas de sentiments humains".]

    Ce ne sont là que deux exemples parmi plus de vingt récits d'atrocités supervisées et organisées par le gouvernement britannique ou par les colons britanniques au cours du XXè siècle : parmi ces massacres, citons par exemple le génocide des Tasmaniens, les punitions collectives contres la population en Malaisie, les bombardements aveugles de villages dans le Sultanat d'Oman, la sale guerre au Nord-Yémen dont 90% des victimes furent des civils, l'évacuation forcée des habitants indigènes de Diego Garcia pour faire place à une base secrète de l'armée U.S. et britannique. . .

    http://books.guardian.co.uk/comment/story/0,,1674478,00.html


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 4 Mars 2010 à 17:18
    enfin vous dites toute la verite
    c est en meme temps un plaisir et une colere de lire ce support.
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