• L'Occident et la diabolisation : Pour un changement radical du discours global

    Par Jules Dufour
     
    Le 2 novembre 2010
     
    Les valeurs promues par l’Occident depuis des siècles reposent sur les fondements d’une conquête brutale et meurtrière d’une grande partie de territoires profondément marqués depuis des millénaires par les cultures des peuples autochtones et ce, sous toutes les latitudes. Ces valeurs ont été forgées ensuite par la recherche effrénée et insatiable des ressources naturelles des espaces terrestres et marins, par le maintien, par la force et la violence armée, de la main mise de ces gîtes de richesses ainsi que du contrôle des infrastructures de production et des marchés de consommation rentables pour les intérêts des métropoles et des monopoles.

    Les dommages causés à l’environnement mondial et à l’humanité par cette conquête n’ont jamais fait l’objet d’un bilan exhaustif, car l’histoire a surtout eu comme objet de louanger les prouesses des conquérants et diabolisé la résistance. Des vestiges archéologiques possèdent encore quelques traces de cet énorme génocide et du pillage éhonté des ressources rendues alors disponibles, mais elles ont été vite effacées de la mémoire des hommes. En ce début de troisième millénaire rien n’a vraiment changé. Les valeurs sont les mêmes, les processus sont semblables à ceux du passé, mais les capacités de conquête et de destruction sont maintenant infiniment plus grandes. Aujourd’hui, la souffrance, la maladie, la faim et la mort sont le lot de milliards d’habitants causées par ce processus, tandis que quelques individus accumulent des milliards de dollars pour leur permettre de poursuivre leurs œuvres de destruction (Graphseobourse. 2010). Des populations entières sont marginalisées, humiliées, trompées, torturées et assassinées avec la complicité de gouvernements nationaux et la passivité des tenants de la gouvernance mondiale.

    Avec les hommes qui meurent et les sociétés qui sont transformées par le commerce international injuste et le système financier foncièrement corrompu meurent aussi la vérité, la beauté ainsi que l’authenticité des biens et des cultures patrimoniales ainsi que la diversité biologique et humaine. Ce scénario est de plus en plus celui qui préside aux destinées de l’humanité. Les derniers rapports publiés par les Nations Unies sur l’état du monde évoquent de plus en plus ouvertement cette réalité d’aujourd’hui.

    I. LES VALEURS DE L’AVOIR ILLUSOIRE

    Les valeurs occidentales se développent dans un environnement qui détruit la pensée, car tout devient illusions, mirages, instants provisoires d’appropriations et déceptions pour la majorité. Le rêve de vivre heureux ensemble a été remplacé par celui de devenir riche seul et pour y parvenir des millions d’individus détruisent leur santé mentale et physique, ce qui les conduit inexorablement à une mort prématurée dans la plus grande indifférence. Il y a ceux que l’on abandonne et il y a ceux qui se transforment en prédateurs serviles à la merci des plus forts. Dans ce contexte, il n’y a que des perdants et c’est toute l’humanité qui en souffre.

    Les concepts dits de développement promus en Occident sont encore officiellement ceux qui se rattachent à l’accomplissement personnel de l’individu. Réussir c’est dominer les autres, c’est savoir exploiter les vertus de la compétition, c’est sortir du lot, c’est être glorifié sur toutes les tribunes. Les concepts d’autonomie, d’entraide, de coopération et de solidarité sont viciés par des processus où l’appât du gain immédiat devient l’objectif prépondérant. Tout à ce moment-là n’est qu’illusions ; des États soit-disant démocratiques et contrôlés par une minorité de privilégiés ; des conflits armés de longue durée justifiés par des médiamensonges (Collon, M., 2008) ; un endettement faramineux des économies nationales et des individus pour financer les sorties de crises financières et économiques au profit de milliardaires véreux et sans scrupule.

    II. LE MODUS OPERANDI SUPRÊME

    Le discours global dominant de l’Occident, celui que l’on doit respecter de la naissance à la mort, agit en profondeur dans l’inconscient des sociétés et des individus, c’est celui qui dicte la conduite à suivre pour faire en sorte que les valeurs occidentales puissent continuer de triompher et de dominer la pensée collective.

    Pour y arriver un certain nombre de conditions et de moyens sont mis en oeuvre, sont déployés à l’échelle planétaire et leurs coûts de mise en place et de fonctionnement sont assumés par les victimes elles-mêmes que l’on a eu l’habitude de désigner comme les consommateurs ou les contribuables. En fait, les bourreaux ne fournissent même pas aux condamnés la corde qui garantit leur pendaison. Ces moyens tendent à monopoliser tout l’espace public mondial et ce sont les agences de la presse internationale et les réclames publicitaires des grandes sociétés ou entreprises trans-nationalisées qui exercent les fonctions vitales. C’est alors l’entrée en scène de l’industrie du marketing trompeur et de la désinformation sans oublier l’influence, à l’intérieur de ce processus, des puissants lobbys du système financier international.

    Le credo primordial que ne cessent de propager les puissances impériales c’est celui de la légitimité de leur existence en tant que pouvoir suprême sur la destinée de tous les habitants de cette planète ou de leurs droits d’intervention omniprésente et permanente pour assurer la survie des uns qui collaborent et la mort des autres qui manifestent leur insubordination. Ces règles ont été définies et précisées, au cours des dernières années, à l’intérieur du concept de la guerre mondiale contre la terreur (http://fr.wikipedia.org/wiki/Terreur ).

    Les décisions que prennent les grandes puissances sont les bonnes pour l’environnement économique global et donc pour le bien-être de l’humanité. Pourtant, les efforts pour combattre la pauvreté et la misère, au cours des cinquante dernières années, se sont soldés par un échec retentissant (Dufour, J., 2008). Ainsi, l’illusion maintenue de l’atteinte des objectifs du Millénaire pour le développement en est la parfaite illustration. Ces décisions, comprendre ici ces ordres, sont exécutées par les États nationaux dits démocratiques et malheur à ceux qui oseraient les défier ou obtempérer aux visées des plus forts. C’est le régime de facto d’une dictature mondiale que le système onusien est bien incapable de neutraliser étant lui-même contraint de collaborer.

    Nous avons donc, d’une part, un harcèlement médiatique incessant faisant l’éloge des bonnes oeuvres des puissances impérialistes et d’autre part une condamnation des résistants correspondant aux États de l’« Axe du Mal » ou aux organisations terroristes ou désignées comme telles.

    Essayons de renverser cette vision unipolaire du monde et regarder l’Occident de l’extérieur. Quel panorama s’offre alors au regard de la majorité des habitants de cette Planète

    • Les pays les plus puissants sur le plan militaire sont riches en concentrant au-delà de 80% de la richesse collective tout en constituant moins de 20% de la population mondiale. C’est la proportion qui nous est traditionnellement exposée pour comprendre l’ampleur du phénomène des inégalités. Pour assurer cette concentration de la richesse les pays les plus nantis peuvent compter sur 65000 entreprises multinationales et 850 000 filiales œuvrant comme des tentacules dans l’ensemble utile planétaire. Ainsi, grâce à cet arsenal économique, selon Combat, 2% de la population mondiale détiendrait la moitié de la richesse mondiale (Combat, 2007).
    • La puissance des pays riches a été édifiée au détriment des pays les plus pauvres par des guerres d’invasion et d’occupation qui ont causé, au vingtième siècle seulement, plus de 142 millions de morts et, pour la période comprise entre 1945 et 2000 un total de 41 millions de personnes tuées ou assassinées, la très grande majorité provenant des pays pauvres (Leitenberg, M., 2006). Ce qui confirme cette citation du philosophe Jean-Paul Sartre : « Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent » (http://www.yabiladi.com/forum/quand-riches-font-guerre-sont-1-2257764.html).
    • Cette puissance se maintient par la pleine subordination des pays pauvres vis-à-vis des règles du commerce international dictées par les pays les plus riches et les plus puissants.
    • L’accumulation de la richesse s’est faite au détriment de l’environnement global et par un gaspillage gigantesque des ressources vitales renouvelables et non renouvelables.

    III. Les actions terroristes de l’Occident

    Devant ces faits ne serait-il pas justifié et fort à propos de parler d’un SYSTÈME TERRORISTE MAJEUR ET SYSTÉMIQUE qui se traduit par des interventions visant à semer la division et la peur et à créer les conditions pour des actions armées qu’il serait bien difficile de ne pas considérer comme étant des actes terrorisants pour les populations civiles. Les nombreuses guerres fomentées, alimentées ou livrées directement par les forces impérialistes ont engendré un climat de terreur non seulement durant les opérations guerrières elles-mêmes, mais aussi au cours de longues périodes après la fin des hostilités. Des sociétés entières ont été traumatisées et les séquelles qu’elles ont subies sont profondes et durables. Les préparatifs de ces guerres, la production des armements et les décisions entourant leur déclenchement sont foncièrement des actions terroristes, car celles-ci ont pour objectif premier de tuer des êtres humains et on peut considérer que la mise à mort est l’acte le plus terrorisant qui puisse être. Les guerres d’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak peuvent être qualifiées comme étant la parfaite manifestation d’un terrorisme pratiqué à l’échelle mondiale (Dufour, J., 2008).

    Dans ce contexte, les plus grands producteurs et exportateurs d’armements dans le monde pourraient être placés sur la liste officielle des États terroristes. On retrouve ainsi en premier lieu les États-Unis, la Russie, la France, le Royaume-Uni, la Chine et Israël et puis les autres pays qui collaborent à cette industrie de la mort. Ces pays seraient-ils alors les plus grands protagonistes de la terreur qui envahit des régions entières de la planète ? C’est exactement ce sentiment qui anime les peuples pauvres, opprimés et frappés par la guerre quand ils s’arrêtent un instant pour essayer de comprendre les ravages de la géopolitique internationale. Une injustice globalisée par un capitalisme destructeur et sans conscience, des gouvernements nationaux soumis aux puissances impérialistes, des pseudo-démocraties légitimisées par des systèmes électoraux fonctionnant souvent dans un environnement dominé par les règles du plus fort et la détérioration et la destruction des zones de vie des pays pauvres par la déforestation abusive, l’érosion accélérée des sols, la désertification galopante et la surpêche industrielle.

    IV. Le renversement des tendances lourdes du discours global

    La pratique du terrorisme est surtout l’apanage des grandes puissances qui le développent en augmentant les tensions intra et inter-étatiques et en incitant les autres nations à pratiquer elles-mêmes le terrorisme d’état : atteintes aux droits humains, érosion des libertés fondamentales par l’adoption de lois anti-terroristes, mesures répressives dans le maintien de l’ordre public, montages de scénarios d’attaques terroristes pour attiser la peur collective et ainsi justifier le renforcement des mesures de surveillance et de contrôle des éléments progressistes de la société civile.

    Il faut crier haut et fort et répéter que la plus grande menace qui pèse sur l’avenir de l’humanité ce n’est pas l’Iran, la Corée du Nord, la Syrie ou le Venezuela, mais bien ce système global que représentent les grandes puissances et leurs alliés les plus fidèles. Ces entités n’hésitent pas à utiliser tous les subterfuges et à manipuler l’opinion publique mondiale pour arriver à leurs fins.

    Si nous commençons tous à formuler un doute dans notre esprit sur la véracité ou l’exactitude des dépêches de la presse internationale et que nous apprenons à démasquer les nouvelles fallacieuses, il est permis de penser qu’il sera possible de « démoniser » ce système dominant et de mieux comprendre les intentions profondes du discours global pour ensuite apprendre à le remplacer par le discours de la coopération et de la solidarité entre les peuples. C’est dans le cadre des organismes de la société civile et dans des expériences de libération nationale que ce discours doit s’implanter pour ensuite se répandre dans toutes les sphères de l’activité humaine. C’est seulement à ce moment-là qu’il sera permis d’espérer des jours meilleurs pour l’humanité.

    Conclusion

    Il nous faut chercher le terrorisme là il est le plus menaçant et il n’y aucun doute qu’il réside dans la capacité destructrice considérable des puissances nucléarisées avec à leur tête les États-Unis d’Amérique, puis la Russie, la Chine, le Royaume Uni, la France et Israël. Tant que nous n’aurons pas compris cette réalité nous continuerons de vivre dans un climat de terreur.

    Références

    AXE DU MAL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Axe_du_Mal

    CHOSSUDOVSKY, Michel. 2007. La « diabolisation » des musulmans et la bataille pour le pétrole. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM), le 7 janvier 2007. En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=4367

    COLLON, Michel. 2008. Dix guerres, dix médiamensonges. Le 16 mai 2008. En ligne : http://anti-fr2-cdsl-air-etc.over-blog.com/article-19638343.html

    COMBAT. 2007. 2 % de la population détient la moitié de la richesse mondiale. Le 3 juin 2007. En ligne : http://www.blogg.org/blog-58550-billet-2_et_de_la_population_detient_la_moitie_de_la_richesse_mondiale-605810.html

    CHE Guevara ONU 1964 : http://www.youtube.com/watch ?v=zRy2eBY-2hQ

    DUFOUR, Jules. 2007. L’état de la pauvreté dans le monde : un bilan controversé. 50 ans de lutte contre la pauvreté dans le monde : Des efforts mitigés pour un échec retentissant. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 31 août 2007. En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=6529

    DUFOUR, Jules. 2008. Les guerres d’occupation de l’Afghanistan et de l’Irak. Un bilan horrifiant de portée mondiale. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation. Le 22 juillet 2008. En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=9645

    DUFOUR, Jules. 2009. Le grand réarmement planétaire. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM), le 5 mai 2009. En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=13499

    DUFOUR, Jules. 2009. Hugo Chavez et l’opinion publique mondiale : Manipulation et stratagèmes des grandes puissances. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 7 septembre 2009. En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=15095

    DUFOUR, Jules. 2009. Les États-Unis : la « puissance intelligente » au service de la guerre. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 4 novembre 2009. En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=15926

    GRAPHSEOBOURSE. 2010. Classement des milliardaires 2010. Le 23 septembre 2010. En ligne : http://www.graphseo.net/le-classement-des-milliardaires-2010/

    GUERRE CONTRE LE TERRORISME : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_contre_le_terrorisme

    LE COLLECTIF ÉCHEC À LA GUERRE. 2004. La guerre contre le terrorisme : une arme de destruction massive. Montréal. Mars 2004. 16 pages.

    LEITENBERG, M. 2006. Deaths in Wars and Conflicts in the 20th Century. Cornell University, Peace Studies Program. Occasional Paper #29. 3nd ed. August 2006. 83 pages. En ligne : http://www.cissm.umd.edu/papers/files/deathswarsconflictsjune52006.pdf

    LEMOINE, Maurice. 2004. De la guerre coloniale au terrorisme d’État. Le Monde diplomatique. Novembre 2004. En ligne : http://www.monde-diplomatique.fr/2004/11/LEMOINE/11679

    POLIQUIN, Carole. 1997. " TURBULENCES " ou « 24 heures dans le marché global « un film-documentaire de CAROLE POLIQUIN, cinéaste québecoise. Pourquoi les riches deviennent-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ?

    SACRÉ, Pascal. 2010. L’hypocrisie des États Occidentaux face à l’Iran. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 11 octobre 2010. En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=21395

    TERREUR : http://fr.wikipedia.org/wiki/Terreur

    VANHOVE, Daniel. 2010. EUROPE : Chercher, encore et encore, pour tenter de comprendre. Montréal, Centre de recherche sur la mondialisation (CRM). Le 28 octobre 2010. En ligne : http://www.mondialisation.ca/index.php ?context=va&aid=21658

    Jules Dufour, Ph.D., est président de l’Association canadienne pour les Nations Unies (ACNU) /Section Saguenay-Lac-Saint-Jean, professeur émérite à l’Université du Québec à Chicoutimi, membre du cercle universel des Ambassadeurs de la Paix, membre chevalier de l’Ordre national du Québec. Il est associé de recherche au CRM (Centre de recherche sur la Mondialisation).

     
     
     
    Arc-en-ciel'ment vôtre
    Natalia & Romano
    "La petite voix..." - novembre 2010

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